« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on en cherche ». De Gaulle a-t-il vraiment prononcé cette phrase ? Qu’importe ! La citation est extraite, reprise, et diffusée largement pour faire du chercheur un fainéant qui ne trouve rien d’intéressant et rien d’utile pour la société. Or, dans une période tumultueuse, où les fakes news prolifèrent, il est nécessaire de resserrer les liens entre les sciences et la société.
Les chercheurs à l’heure de l’information de masse
Personne n’aime se faire berner par une fausse information ! Mais comment déterminer le vrai du faux dans un monde où les informations sont difficilement vérifiables ? Dans cette nébuleuse, les scientifiques ont toute leur place mais ils sont souvent dénigrés dans l’opinion en raison de leur incapacité à diffuser les résultats de leurs recherches. Malgré les nombreuses initiatives de vulgarisation scientifiques, les contre-vérités s’installent dans le débat public. Dès lors, comment redorer le blason de la science pour en faire un bouclier contre les fakes news ? Pourquoi les scientifiques ne parviennent-ils pas à se faire entendre ?
Les initiatives pour promouvoir la science sont nombreuses mais désorganisées. Il existe de nombreux événements, articles et organisations qui cherchent à vulgariser la recherche. Or, force est de constater que cette multiplicité d’acteurs brouille le message principal. Il est difficile, même pour des professionnels de la R&D, de comprendre l’écosystème de promotion de la science en France.
L’exemple de la crise sanitaire en 2020 montre à quel point les chercheurs n’ont pas été mis en valeur. Nous avons assisté à des débats houleux entre médecins et épidémiologistes qui étaient offerts en spectacle sur les plateaux télé. Ces derniers, qui ne parlaient pas d’une voie concordante, ont paradoxalement montré ce qu’était la science : un débat entre experts qui cherchent des solutions là où personne n’a de réponse. L’opinion et les entreprises, faute de culture scientifique, n’étaient pas prêtes, le vaccin contre le Covid-19 ne fut pas inventé en France…
Cet exemple traduit l’incapacité des médias traditionnels à traiter l’information scientifique qui s’inscrit dans le temps long. La validation des connaissances scientifiques nécessite la validation par une communauté d’experts et de chercheurs qui évalue la fiabilité des sources, la cohérence de la recherche et la pertinence de la découverte. Ces processus peuvent prendre plusieurs mois à la différence d’articles grand public qui nécessitent plutôt de la réactivité.
Remettre l’esprit de la recherche en avant
La lenteur du processus de création de connaissances scientifiques, la méconnaissance des processus par les citoyens, et la défiance à l’égard des scientifiques font que les messages de ces derniers ne sont plus entendus. Pourtant, la démarche scientifique a de nombreux avantages. Elle permet notamment de structurer le dialogue car elle repose sur des échanges entre pairs et sur la validation collégiale des études menées sur des sujets pointus. Les protocoles de recherche prennent du temps en raison de l’aspect collaboratif du travail mené et ce savoir-faire bien particulier gagnerait à être connu et diffusé. Pour cela, le détour par l’épistémologie (discipline qui évalue la pertinence des connaissances) n’est pas une option, mais une nécessité. Elle devrait être enseignée non plus uniquement aux jeunes chercheurs, mais également au grand public et aux entreprises innovantes pour permettre à chacun de s’approprier la méthode.
Comment résoudre ce problème ? Trois pistes se dégagent :
- Création et amélioration des formations de vulgarisation scientifique pour faire sortir des laboratoires les connaissances créées par la recherche. Les chercheurs ne pèsent pas suffisamment dans le débat public et peinent à se faire entendre. En améliorant les formations de vulgarisation scientifique, il sera possible de faire prendre conscience aux chercheurs du poids qu’ils peuvent avoir dans la société.
- Parler de chercheurs plutôt que de scientifiques. Cette différence sémantique permettrait notamment d’intégrer les chercheurs en sciences humaines tout en conservant les chercheurs issus des « sciences dures ». Parler de chercheurs c’est promouvoir une démarche de curiosité, d’exigence, de refus de la simplification, et de vérification des informations sourcées.
- Création d’un label réunissant les initiatives visant à promouvoir l’esprit de la recherche. Pour éviter la cacophonie des organisations multiples et des messages parfois contradictoires entre ces organisations, l’union de la vulgarisation des chercheurs pourrait être créée en tant que label unifiant le message de la promotion des valeurs et de l’esprit scientifique. Loin de refuser le débat entre scientifiques, ce label permettrait de communiquer d’une seule voix sur les consensus établis par les découvertes scientifiques.
Ces pistes ne constituent pas une garantie de la réussite dans la lutte contre les fakes news. Néanmoins, elles permettront de reconstruire un état d’esprit positif.
Charles AYMARD
Fondateur - The Bridge : Recherche & Innovation - Docteur en sciences de gestion et du management